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Des informations en français dans les rubriques «espèces», «transmettre ses observations» et «menacés».

Tout ce qui concourt à leur disparition…

« C’est dommage, vraiment. Il n’y a presque plus de vers luisants ni de belettes », déclare un vieux paysan de Suisse orientale. Pier Paolo Pasolini avait déjà écrit « la disparition des lucioles » en 1975, peu avant sa mort. Il s’émouvait de la pollution qui avait décimé ces veilleurs d’un monde révolu, un monde de culture et de civilisation agressé par les lumières des cités. De nombreuses personnes observent également les changements survenus dans les paysages cultivés. La disparition des insectes lumineux est pratiquement devenue le symbole de l’appauvrissement du paysage au cours des dernières décennies.

Cependant, en 2001, une enquête du magazine romand « La Salamandre » (www.salamandre.ch) permettait de recenser près de 1000 nouvelles observations en Suisse romande.

Avis d’observations à la suite de l’appel lancé par « La Salamandre », juin 2001
Avis d’observations à la suite de l’appel lancé par « La Salamandre », juin 2001

Le ver luisant et la luciole ne seraient donc pas si mal en point ?

Il n’existe pas d’études systématiques sur la distribution passée et des Lampyridés en Europe centrale. De nombreuses observations individuelles suggèrent que ces insectes étaient cependant beaucoup plus courants et nettement plus répandus il y a quelques décennies.

La quantité déclinante des observations est due en partie aux observateurs eux-mêmes : les rapports de Suisse occidentale montrent que les signalements de vers luisants et de lucioles proviennent principalement de zones densément peuplées par l’homme. Se retrouver à pied, de nuit, dans des endroits non éclairés est devenu rare avec l’utilisation de véhicules et l’augmentation de l’éclairage artificiel.

Le déclin observé n’en reste pas moins bien réel :

Les anciens paysages cultivés, auxquels les lucioles et les vers luisants evaient leur habitat, ont disparu. Les mécanismes à l’œuvre derrière leur extinction ne sont pas documentés. Mais, comme pour la plupart des espèces en voie de disparition, la destruction de leur habitat aura conduit à l’effondrement de leur population. La vie de ces insectes luisants est tributaire de certaines structures, de la lumière, d’une végétation ouverte, souvent en transition avec des zones ombragées et favorables aux limaces et autres escargots. Ces réseaux de biotopes à petite échelle ont cédé la place à des terres agricoles monotones, rationnellement exploitables. L’intensification de l’utilisation des sols et l’abandon de la structuration du paysage à petite échelle a rendu difficile la situation des lucioles et des vers luisants. Ils ne trouvent plus guère d’endroits qui satisfassent à la fois les besoins de leurs larves — un stade qui dure de 3 à 4 ans — et ceux de leur courte période de vol. Si de tels endroits existent encore, les insectes ne peuvent s’y rendre : les femelles qui ne volent pas ne font pas non plus de grands sauts. Une nouvelle colonisation ou la recolonisation des habitats appropriés devient presque impossible une fois les biotopes nécessaires perdus.

Les facteurs perturbants sont multiples : la culture et le compactage du sol affectent les œufs et les larves, les poisons pour insectes et limaces les intoxiquent, directement ou indirectement ; les hautes prairies artificielles et fertilisées créent un microclimat défavorable jusqu’à la lisière des forêts, la diversité des gastéropodes diminue et les habitats propices aux insectes luisants sont tout simplement condamnés par les constructions, qui, en Suisse, représentent chaque année une surface de la taille du lac Walen (sépare les cantons de Saint-Gall et de Glaris).

 

Pollution lumineuse

Comment la pollution lumineuse (voir Dark-Sky) influence-t-elle ces insectes lumineux ? Sont-ils affectés par la lumière artificielle ? La réponse n’est pas si simple : il est avéré, d’une part, que des populations de vers luisants et lucioles ont diminué avec l’augmentation de l’éclairage artificiel, mais il a été également montré, d’autre part, que les femelles brillent parfois directement sous la lumière des lampes allumées toute la nuit. Ce que vient corroborer la carte de localisation de ces insectes, largement conforme à la carte de pollution lumineuse !

ll serait par contre faux d’en conclure que la pollution lumineuse les incite à briller. La cartographie de la pollution lumineuse indique les endroits densément peuplés — ce qui rend une rencontre avec des vers luisants ou des lucioles plus probable que dans des zones moins habitées. A plus petite échelle, en procédant à une comparaison de la cartographie de la ville de Zurich, par exemple, avec les habitats connus pour abriter le lampyre, il a été démontré que ceux-ci ne se trouvent pas à proximité des zones éclairées par l’éclairage public ou privé. Toutefois, on ne peut en conclure que seule la lumière artificielle fait fuir les insectes lumineux. Leurs habitats préférés tels que les clairières, les berges des cours d’eau et les jardins anciens bordant les villas possèdent en effet d’autres facteurs plus déterminants que le fait de n’être simplement pas éclairés.

Pollution lumineuse, éclaircissement du ciel nocturne en Europe (NASA Earth Observatory/NOAA NGDC)
Pollution lumineuse, éclaircissement du ciel nocturne en Europe (NASA Earth Observatory/NOAA NGDC)

Ainsi, afin d’éclairer quelque peu la question, l’influence de la lumière artificielle doit être étudiée dans un environnement où les sites éclairés et non éclairés — aux habitats similaires — peuvent être comparés à proximité les uns des autres. Une telle situation a été trouvée à Biberstein (AG), où, dans un quartier résidentiel bien structuré, des zones très éclairées alternent avec des tronçons plus sombres et non éclairés le long d’un sentier pédestre qui longe un ruisseau. Les observations sur le long cours d’Ursula Moor, une habitante de la région, lui ont permis de cartographier l’apparition des femelles du grand lampyre presque toutes les nuits d’été pendant plusieurs années. Couplées aux recherches de Beat Rüttimann et Stefan Ineichen en 2009 et 2010 (publiées en 2012), les observations dessinent l’image suivante :

— Les femelles ne sont guère influencées par la lumière artificielle dans le choix des sites où elles vont s’allumer, et sont même plus susceptibles d’être observées à la lueur des lampadaires.

— Les mâles, quant à eux, évitent les zones éclairées par les lampadaires. Ils ne se sont jamais laissés capturer par les pièges à LED mais dans bien les zones plus sombres entre les lampes. Lors d’une expérience, lorsque l’éclairage de la zone d’étude est resté éteint trois nuits consécutives, de nombreux mâles ont été trouvés sous les lampadaires.

Ces faits additionnés montrent que les sites éclairés créent des « trous » dans la reproduction, puisque les femelles qui restent là sans être impressionnées par la lumière ne sont pas approchées par les mâles « timides » et meurent donc sans être appariées, au bout des deux semaines de leur courte vie. La reproduction de toute une population est ainsi fragilisée, voire même stoppée.

L’activité des larves est apparemment elle aussi contrôlée par l’intensité lumineuse : les larves du grand ver luisant ne deviennent actives que lorsqu’un certain niveau d’obscurité est atteint. Un article publié en 2012 (Gunn & Gunn 2012), qui étudie la corrélation entre l’activité des larves de vers luisants et le cycle lunaire dans le Norfolk, en Angleterre, révèle en effet que les larves montrent le moins d’activité pendant la pleine lune. Tout comme la luminosité du phénomène appelé « Skyglow » — la réflexion de la lumière de la ville sur la couverture nuageuse — peut égaler celle de la pleine lune, la pollution lumineuse peut également avoir un impact négatif sur les activités larvaires des populations de vers luisants et de lucioles. Cependant, aucune dépendance à la phase lunaire n’a pu être démontrée pour l’activité lumineuse des femelles.

Ces recherches sur le terrain confirment ce qui avait déjà été observé il y a plusieurs décennies par H. H. Schwalb (1961) dans des conditions de laboratoire : il a observé que les mâles sont attirés par les faibles niveaux de lumière, mais chassés par une forte lumière, et que la luminosité (même la pleine lune !) réduit complètement l’activité des larves. Les vieilles larves ont par contre été observées de jour : il est possible qu’avant leur métamorphose, les vieilles larves recherchent, de jour, des zones de transition, des berges ou des bords de haies où se transformer. Lorsque les insectes éclosent après la phase nymphale, les femelles restent alors sur place, même si le site est éclairé par une lampe, tandis que les mâles, qui craignent ces lumières intenses, s’éloignent rapidement.

 

Protection ?

En Suisse, il n’existe pas de réglementation fédérale pour la protection des vers luisants et des lucioles ni de liste rouge pour cette famille de coléoptères.

Dans le canton de Schaffhouse, les Lampyridés sont protégés selon l’article 12 et l’annexe I de l’ordonnance cantonale sur la protection de la nature du 6 mars 1979.

Ils sont également protégés dans le canton de Vaud. Selon les informations du Département du Terroir et de l’Environnemen : « Dans le canton de Vaud, selon l’art. 25 de la Loi sur la faune (RSV 922.03), tous les animaux qui n’appartiennent pas à une espèce pouvant être chassée, capturée ou détruite, sont protégés. »

 

Selangor Declaration

À l’occasion du deuxième symposium international sur les vers luisants et lucioles à Selangor (Second International Firefly Symposiums), en Malaisie, la déclaration de Selangor pour la protection des vers luisants et lucioles a été adoptée à l’été 2010, puis révisée en 2014 à la suite du symposium suivant à Gainesville, en Floride.

 

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